ELLIKALA : les 50 Forteresses

En Asie centrale, une vaste région est arrosée par 2 grands fleuves, l’Amou Darya et le Syr Darya, dont les eaux nourrissent un ensemble d’oasis avant de se perdre dans une mer en voie de contraction.

Dans cet ensemble, entre la mer d’Aral et l’Amou Darya, se place le Khorezm, qui est connu depuis l’Antiquité pour avoir été un pays prospère. Sa richesse était favorisée par un imposant réseau d’irrigation, composé de multiples canaux qui alimentaient les villes et les champs depuis le fleuve, que les Grecs appelaient Oxus et les historiens du Moyen Age Djeihun. De nos jours, le Khorezm a perdu beaucoup de son antique splendeur qui s’est dissipé dans un mouvement de désertification et de salinisation des sols.

Au nord de cet espace, encadré par les déserts du Karakoum et du Kizilkoum, une longue ligne de falaises marque, entre la mer d’Aral et la mer Caspienne, la limite entre les terres cultivées par les sédentaires et les steppes septentrionales parcourues par les nomades.

L’Amou Darya, ou l’ancien Oxus, qui est le support de la prospérité locale, a déplacé plusieurs fois son lit au cours du temps et ses changements de parcours peuvent être identifiés par les sites archéologiques établis le long de ses rives mouvantes.

Les premières installations remontent aux temps préhistoriques et le mode de vie des occupants, qui vivent de la chasse et de la pêche reste plus ou moins inchangé jusqu’aux environs du 6è s AC. C’est à ce moment, vers le 6è s, qu’à peu près soudainement les premiers sites fortifiés apparaissent dans la région. Le Khorezm, qui est ainsi appelé depuis l’Antiquité, recevra des Grecs le nom de Chorasmie. Son nom n’a donc pas changé depuis les origines -et il faut souligner cette permanence-.

A cette époque, le Khorezm appartient à l’Empire des Perses achéménides. Il échappe bientôt à la tutelle iranienne de Persépolis et jouit de son indépendance. Quand, vers 330 AC, Alexandre le Grand se lance dans son audacieuse entreprise de conquête, il ne cherche pas à contrôler le Khorezm. A ce propos, l’historien grec Arrien rapporte la visite du roi khorezmien, Pharasménès, qui s’est rendu à Maracanda (cad Samarcande) pour offrir à Alexandre son alliance en vue de soumettre les contrées limitrophes du Khorezm ; sa proposition ne retient pas l’attention du conquérant désireux de poursuivre plus avant vers l’Indus. Après la mort du Macédonien, le Khorezm se tient à l’écart des luttes qui opposent ses généraux, adopte certains caractères de la culture greco-iranienne et préserve sa tranquillité sous la dynastie des Parthes.

Cela ne dure pas, car un vent nouveau souffle à l’est et vient troubler l’atmosphère relativement paisible qui régnait dans la région. Des tribus nomades pourchassées depuis la frontière chinoise sont poussées vers l’Ouest et font mouvement en Asie centrale. Parmi ces nomades, émerge un groupe qui se sédentarise et qui établit un nouveau pouvoir : c’est celui des Kouchans qui met fin au royaume hellénisé de Bactriane, avec l’appui des seigneurs du Khorezm ; les Kouchans constituent aux 1er et 2è siècles de notre ère un puissant empire centré sur la région de Bactres, au nord de l’Afghanistan actuel. Les souverains, et en premier lieu, le plus célèbre d’entre eux, Kanishka, étendent leur domination sur un vaste espace allant du bassin de l’Oxus aux rives Gange, en Inde du Nord. Leur influence s’exerce sur le Khorezm, sans que l’on sache exactement si le pays fut ou non l’une des provinces de l’Empire. Quoi qu’il en soit, cette période correspond à une période de grande prospérité grâce aux multiples échanges commerciaux et culturels véhiculés sur la célèbre Route de la Soie reliant à travers l’Asie centrale Rome à la Chine et la mer Baltique au continent indien.

Au pouvoir des Kouchans succède celui des Perses Sassanides, qui subissent à l’Est la pression de nouvelles incursions de nomades venus des steppes septentrionales. Descendus de l’Altaï au 4è s de notre ère, les Huns blancs (dénommés aussi Hepthalites) avalent la partie orientale de l’Empire sassanide, mais doivent ensuite céder la place à de nouveaux venus, qui sont des Turcs.

Le déferlement nomade épargne plus ou moins le Khorezm qui est gouverné depuis le 5è jusqu’au 10è siècles de notre ère par la dynastie des Afrighides. Ce royaume afrighide manifeste son dynamisme en participant activement aux échanges commerciaux et en intégrant les traditions culturelles qui transitent par son territoire.

La conquête arabe va progressivement, à partir du 8è s, mettre un terme à cette situation, en apportant en Transoxiane, au-delà de l’Oxus, la foi musulmane, qui supplantera progressivement l’ancienne religion zoroastrienne et son culte du feu.

Finalement, au 13è s, alors que le Khorezm est dirigé par la dynastie indépendante des Khorezmchahs, la région est totalement ravagée et ruinée par les hordes mongoles conduites par Gengis Khan : les populations sont massacrées, les villes sont incendiées, les canaux d’irrigation sont détruits, les champs sont dévastés et la terre retourne au désert.

Depuis cet effroyable cataclysme, la région n’a jamais retrouvé sa prospérité d’antan, en dépit des efforts consentis actuellement pour la remettre en culture et réduire la salinisation des sols.

Dans le passé, le cours des rivières du bassin de l’Amou Darya s’est souvent déplacé sous l’effet de causes naturelles. Un ancien bras du fleuve s’éloignait même de la mer d’Aral pour se diriger vers la mer Caspienne. Son lit asséché traverse aujourd’hui une zone désertique, vide de richesses humaines et agricoles ; les archéologues ont découvert le long de ses bords des traces d’occupation qui témoignent de la présence de l’eau dans un temps relativement récent en termes historiques.

La plupart de ces sites archéologiques remonte, pour les importants, à la période préislamique et se situe sur la rive droite de l’Amou Darya. Dans les temps anciens, la région était largement irriguée ; elle tirait sa prospérité des produits de la terre, des ressources de l’élevage et des revenus du commerce. Ce n’était pas seulement une région de riches oasis agricoles. C’était aussi une région de passage des caravanes, venus soit de l’Est, en provenance d’Otrar sur le Syr Darya, soit du Sud-Est, en provenance de Boukhara. Elle se plaçait au point de contact des populations sédentaires et des tribus nomades. Cela explique qu’elle ait été largement fortifiée, au point d’être parsemé de châteaux et de citadelles, pour assurer la protection des populations. Elle est ainsi qualifiée du nom turc d’Ellikala, cad le pays des 50 forteresses. Désertée par l’eau et par ses habitants, cet espace a été abandonné depuis longtemps, soit plus précisément depuis près de 1000 ans, cad depuis les invasions mongoles du 13è s ; de ce fait, les vestiges archéologiques qui y ont été reconnus, ont été en partie préservés de la destruction, en étant ensevelis dans les sables et éloignés des habitations.

Dès le 6è s AC, l’ancien Khorezm (appelée Chorasmie par les Grecs) avait atteint un niveau élevé de développement économique et culturel, qui devait globalement se maintenir pendant un millénaire, cad jusqu’aux environs du 4è s PC à partir duquel vont se succéder des invasions nomades. Le nom de Khorezm, inchangé depuis l’Antiquité, a été interprété de la façon suivante par une légende rapportée au lOè s par le géographe arabe Al-Maqdisi. Dans les temps anciens, un roi des régions de l’Est que son entourage avait mis en fureur, avait exilé un grand nombre de ses proches dans un lieu reculé, très éloigné de sa capitale. Après quelque temps, le roi dépêcha des envoyés pour s’informer de la situation des exilés. Quelle ne fut pas leur surprise à leur arrivée ! Les exilés non seulement avaient survécu, mais ils s’étaient fort bien installés. Ils avaient monté des huttes, vivaient de la pêche et de l’élevage et disposaient de grandes réserves de bois de chauffage. A leur retour au Palais, le roi questionna ses envoyés, en leur posant 2 questions : quel mot utilisent-ils pour dire « viande » ? Ils répondirent « KHOR » ; quel est leur mot pour « bois de chauffage » ? La réponse fut « REZM ». Aussi, le roi décida-t-il que cette contrée serait désignée sous le nom de Khorezm et qu’elle serait concédée à ces exilés qui s’y étaient si bien adaptés. Ce qui est à retenir du récit d’Al-Maqdisi, c’est la mémoire que les habitants du Khorezm conservaient encore au 10e s de leurs lointains ancêtres qui s’étaient établis dans une région boisée et vivaient dans des huttes, en nourrissant de poissons pêchés dans les rivières locales.

Cette dernière remarque est importante car elle confirme la présence de l’eau et par la même elle implique que des changements ont eu lieu autrefois dans le cours des fleuves.

Sur la longue période qui se déroule depuis le 6è s AC, la culture du Khorezm, tout en variant ses manifestations, se caractérise par son unité et sa permanence. A toutes les étapes de son histoire, elle présente des caractères stables et durables. C’est ainsi que l’on peut faire plusieurs observations, notamment sur le plan monumental et à propos des techniques de fortification.

Dans un pays pauvre en pierre, l’architecture a pour matériau de base de grandes briques carrées en pisé, dont la taille est à peu près constante jusqu’à l’arrivée des Arabes ; leurs dimensions sont d’environ de 40cm pour le côté et de 10cm pour l’épaisseur.

La couverture des constructions adopte un mode de voûte elliptique constituée par un assemblage de briques en position inclinée sur la tranche.

Le caractère militaire des constructions est manifeste. On le constate avec le développement d’imposantes forteresses qui sont bâties à la limite du plateau steppique et des terres habitées pour s’opposer aux incursions nomades. Le système de fortification se caractérise par plusieurs particularités, telles la présence de doubles galeries, le dispositif en chicane protégeant la porte d’entrée intérieure, la prédominance des tours carrées ou rectangulaires, la forme des meurtrières en pointes de flèche.

– A l’intérieur des enceintes, les quartiers habités sont distribués selon un plan orthogonal, en damier.

Toprak-Kala

Aux 1er /2è s PC, le Khorezm subit l’influence culturelle, de caractère gréco-iranien, de l’Empire kouchan en voie d’expansion. L’illustration la plus évidente de cette influence est donnée par magnifique forteresse de Toprak-Kala. Toprak-Kala offre les ruines d’une impressionnante forteresse, qui a livré pour la région des informations détaillées pour avoir été explorée méthodiquement par les Soviétiques depuis les années ’40. Le complexe fortifié s’est développé vers le 1er s AC et a atteint son apogée à l’époque kouchane vers le 2è s PC, avant de pâtir de plusieurs incendies et des attaques dévastatrices des poussées nomades turques. La forteresse était le lieu de la résidence royale des souverains du Khorezm, ainsi que l’indiquait le savant de l’Asie centrale Al-Biruni au lOè s. Elle restera plus ou moins habitée jusqu’au 13ès.

La citadelle royale domine, depuis le coin NW, la vaste cité rectangulaire fortifiée qui couvre une surface de plus de 20ha. De telles dimensions (600x400m) soulignent l’insécurité qui prévalait à l’époque sous l’effet des incursions nomades venues du nord. Les murailles, ponctuées de tours carrées, sont de nos jours passablement érodées, mais on observe qu’elles s’élèvent encore jusqu’à une hauteur de 9m. L’aspect général de la citadelle intérieure, où s’est concentrée la recherche archéologique, donne sur 1 ha 1/2 une idée de sa puissance, avec ses nombreuses cours intérieures, ses passages voûtés, ses hautes salles pourvues de niches décoratives, ses 3 tours colossales à étages qui encadrent sa structure. Elle abritait le palais, qui est l’un des monuments les plus vastes et longtemps les mieux préservés parmi ceux datant de l’époque Kouchane. Construit autour d’une cour sur une plate-forme élevée, le palais à 3 étages contenait 3 salles immenses. La couverture de la plus vaste des salles était supportée par des colonnes en bois placées sur des bases en pierre sculptée. Les archéologues ont désigné les 3 pièces les plus remarquables de la citadelle en fonction de leur décoration à la fois sculptée et colorée : c’est ainsi que celle qui était agrémentée de portraits royaux en argile et stuc peints porte le nom de « Salle des Rois », celle qui abritait tout un panthéon où trônait la déesse grecque Niké porte le nom de « Salle des Victoires » et celle « dite des Guerriers » s’ornait de reliefs d’hommes en armes. Cette dernière observation indique peut-être que les seigneurs du Khorezm employaient des mercenaires indiens. Une 4è salle dite « de la Danse » était décorée par des représentations d’hommes et de femmes dansant. II semble que ces salles servaient à la pratique de cultes dédiés au roi et à la fécondité. Les thèmes décoratifs mettaient à l’honneur la bravoure et le pouvoir royal. La Salle dite des Rois avait son centre occupé par un autel du feu qui devait servir à la célébration d’un culte dynastique.

Dans la niche principale de la Salle de la Danse trônait une représentation de la déesse-mère accompagnée d’un fauve.

Le tertre central toujours visible correspond à l’emplacement de l’autel du feu qui appartenait au grand temple dynastique.

Au sud de la citadelle étaient aménagées, selon un plan régulier, 12 vastes résidences claniques, reliées entre elles par des rues étroites.

Les trouvailles sont maintenant conservées au Musée de l’Ermitage.

Kizyl-Kala

A quelque distance ( 1 kni3) de Toprak-Kala, se trouve le fortin de Kizyl-Kala, qui fournit l’un des premiers exemples des demeures seigneuriales fortifiées qui apparaissent avec l’avènement des souverains kouchans. Il s’agit d’un nouveau type de constructions défensives qui apparaît avec la nécessité de multiplier les moyens de défense sur les frontières. Il illustre un changement dans la nature politique du pouvoir qui passe d’une forme décentralisée à une forme centralisée.

Ayaz-Kala

La plus spectaculaire des forteresses du Khorezm reste néanmoins la forteresse d’Ayaz-Kala, qui est située au pied des monts Sultan-Uvays, au-delà de Toprak-Kala, au NE d’Ourgentch, à une distance de 70 km. Elle occupait une position stratégique sur la frontière septentrionale des oasis. Sa visite est l’occasion privilégiée de se plonger dans le vieux Khorezm.

En fait, Ayaz-Kala n’est pas constitué par une construction unique ; elle forme un ensemble de 3 forteresses en ruines regroupées sur et autour d’une haute colline qui s’élève au piedmont de la chaîne montagneuse à la limite du désert du Kizil-kum. Ce fut une position stratégique continuellement occupée et entretenue pendant plus de 1000 ans, soit environ de -300 à +900 PC. Ses vestiges ont livré des informations importantes sur la situation du Khorezm pendant la période kouchane. On y a notamment trouvé des monnaies du grand souverain kouchan, Kanishka.

  • La partie la plus ancienne du complexe architectural (appelée Ayaz-Kala I) est établie sur le sommet de la colline principale. Elle domine le site avec majesté. Son plan est rectangulaire et sa superficie approche les 3ha. Le puissant rempart, qui est préservé jusqu’à une hauteur de 10m, est à intervalles réguliers renforcé par des tours semi-circulaires ; il comporte de larges galeries voûtées à double étage et il est régulièrement percé de meurtrières en forme de flèches. Les galeries étaient suffisamment vastes pour assurer aux défenseurs une bonne protection et une grande liberté de mouvement. Par endroits, les voûtes des galeries basses sont encore bien conservées et le visiteur peut facilement y circuler. On n’a relevé à l’intérieur de l’enceinte aucune trace quelconque d’habitation.

La construction de cette lcrc forteresse a débuté, à l’époque hellénistique, au 4è s AC, avec l’élévation de l’enceinte. Par la suite, pour compléter le système défensif, on accola aux murailles avec régularité une série de tours, qui sont arrondies (et non quadrangulaires, comme cela s’observe généralement dans la région). La porte d’entrée massive de la forteresse est caractéristique des portes d’accès en baïonnette que l’on rencontre dans les forteresses des confins du Khorezm. La porte, à une double entrée, est placée parallèlement à la muraille sous laquelle les attaquants sont les plus vulnérables. L’entrée extérieure (appelée barbacane) est défendue par 2 tours rectangulaires qui ouvrent sur une petite salle également rectangulaire dominée par de hauts murs depuis lesquels les défenseurs pouvaient décocher leurs flèches sur les assaillants. De là, par un passage en chicane, on accède à une seconde porte qui conduit directement à l’intérieur de la forteresse. Cette lere forteresse, qui a joué son rôle défensif jusqu ‘aux environs du 1er s de notre ère, cad jusqu’à l’arrivée des Kouchans, a continué ensuite à être occupée pour servir de poste d’observation et de refuge aux populations locales.

  • Située au SW à une petite distance de la lcrc, Ayaz-Kala II est posée sur une petite éminence en contrebas. Elle est constituée de 2 éléments. L’élément fortifié est fermé ; il se compose lui-même de 2 parties : un avant-corps quadrangulaire à vocation défensive, qui ouvre sur une citadelle de forme ovale, dont une des particularités est d’être pourvue d’un registre de fausses archères destinées à intimider les assaillants.

Il est lié par une rampe à un 2è élément, un établissement palatial ouvert, établi dans la plaine. La citadelle paraît avoir été construite à l’époque kouchane, puis restaurée et réutilisée sous la dynastie des Afrigides, au 5è s. Les murs construits en briques crues reposent sur une assise de gros blocs de pakhsa, cad d’argile battue, placés perpendiculairement de façon à en accroître l’épaisseur (+ 6m à 10m de hauteur). La rampe de communication mène à un palais qui a été décrit comme étant l’un des plus beaux monuments de l’Asie centrale antérieurs à l’arrivée des Arabes. Il était célèbre pour ses salles à colonnes, sa plateforme cérémonielle et son temple du feu. Grâce aux découvertes de monnaies frappées au nom de souverains afrighides, sa construction a pu être fixée autour du 5è s de notre ère, cad au moment où la citadelle a été réoccupée. Il a été à 2 reprises détruit par des incendies, puis abandonné. Quant au fortin, il a pu être remis en état et utilisé jusqu’au 13è siècle.

(On y a tourné le film « Gengis Khan »)

* Ayaz-Kala III présente, à environ 1500m au sud, la forme d’un grand parallélogramme sur une surface de 5ha. L’enceinte fortifiée, qui est l’une des plus imposantes connues, répond aux normes de la région. Sa structure est similaire à celle des 2 précédentes, avec une épaisseur à la base de plus de 7m5. Elle se compose d’un double mur défendu sur tout son pourtour par des tours d’aspect rectangulaire, selon le modèle régional courant. La porte d’entrée a été particulièrement aménagée au milieu du mur occidental. L’enceinte remonte aux ler/2è s PC, cad à l’époque kouchane.

Elle enferme sur le coin NE une construction plus ancienne, qui est celle d’une demeure seigneuriale. La demeure est divisée par 2 corridors à angles droits en 4 quartiers, constitués chacun d’une dizaine de pièces identiques : elle date de l’époque hellénistique. Elle offre l’exemple de ces grandes demeures rurales construites pour les grands propriétaires de cette région alors très fertile. Tout aux alentours, on a relevé, en effet, de nombreux vestiges d’importantes installations agricoles, qui dans le passé assuraient la prospérité de la région par la mise en valeur irriguée des terres. Ce fut Tune des premières régions au monde à pratiquer la viticulture et à s’adonner à la fabrication du vin.

Il est probable que Ayaz-Kala III ait été utilisée par les Kouchans au début de notre ère pour servir de résidence pour le gouverneur local et de refuge pour la population rurale tandis que la première forteresse, Ayaz-Kala I, constituait un simple poste d’observation.

Pris comme un tout, le complexe d’Ayaz-Kala lève un coin du voile sur l’histoire intérieure de l’Empire kouchan. L’examen archéologique suggère qu’à l’arrivée des Kouchans les communautés villageoises traditionnelles placées sous l’autorité d’une aristocratie terrienne locale se sont désintégrées à mesure que se mettait en place un pouvoir impérial centralisateur. Les villages fortifiés disparaissent tandis que se multiplient des fortins construits par le gouvernement central dans un but défensif. Ces fortins disséminés sur cette zone appelée ELLIKALA sont alors occupés par des détachements d’une armée régulière qui ont reçu la mission de protéger les oasis et les terres cultivées des incursions nomades et des attaques hostiles.

Il faut ajouter à proximité du site la présence d’un lac, l’Ayak Koul. Il est probable que ce lac, outre son rôle dans l’irrigation, avait également une fonction défensive. Il constituait en effet la première barrière par rapport aux zones arides septentrionales parcourues par les nomades. Ce lac n’est pas entièrement naturel ; il était alimenté par un canal qui lui apportait de l’eau depuis l’Amou-Darya.

La majesté du site et du complexe fortifié a conduit les autorités ouzbekes, avec l’aide de l’Unesco, à mettre en œuvre un double programme de conservation archéologique et de promotion touristique. L’état des ruines a été particulièrement endommagé par l’érosion pluviale. Tous les efforts consistent donc maintenant à stopper les dégradations et à restaurer quelques parties essentielles des monuments.